Saturday, May 2, 2015

Burundi, Une Styliste Humanitaire

Pourtant, elle ne se rappelle avoir  été ni humiliée  ni kidnappée! Prisca, la Burundaise  n’a jamais rencontré ni Dominique Torres, ni un membre de SOS-Racisme pour devenir une des expertes  de la lutte stratégique de l’esclavage moderne. Quand elle a débuté son projet, rêve à cette époque, elle ne savait pas que Ban Ki Moon universaliserait en 2015, «Dignité Humaine », comme nouveau mot d’ordre de la justice sociale mondiale.  Par contre, la modestie du parcours socioprofessionnel et  les stratégies de la Burundaise Prisca Niyonzima, cachent une force d’actions discrètes qui protègent et relèvent de probables victimes, de diverses violences,  dont un esclavage qui ne dit pas son nom, autant au Burundi qu’ailleurs dans le monde.

Audace Machado

Des stratégies exigeant des forces de la communication.

Tout semble tirer origine au destin de Madame Prisca. Ainsi, ses goûts de l’apparence et du soin du corps humain la mèneront à l’AFAB –Association de femmes entrepreneurs du Burundi- depuis le 8 Mars 2013. Ainsi, elle ne peut plus rester discrète. « Absolument ! Je connais les réalités de mon pays, aussi bien qu’une grande partie de celles du monde, à commencer par notre sous-région. La femme est une force inventive et influente qu’on ne l’imagine ». La pèlerine  est fière d’avoir parcouru, dans le cadre professionnel ou de curiosité personnelle, tout son pays, le Burundi.  « Autant on apprend beaucoup de chose dans ce petit pays que quand on sillonne le Rwanda, la RDC, l’Ouganda, le Kenya », ajoute Prisca Niyonzima. C’est comme cela que cette jeune femme a enrichi aussi bien son carnet d’adresse que son capital culturel en ouvrant son passeport à  des tampons nationaux, de l’Afrique du Sud aux Etats-Unis d’Amérique, en passant par l’Arabie Saoudite –Qatar-. 

« Partout, dans ce monde où l’économie décide, donc où les hommes dominent –silence-, soyons réalistes, les femmes devrons apprendre aussi de celles qui réussissent, de nos forces particulières, et surtout de renforcer notre open-mindness ». Ici, c’est au delà, de la psychologue et de la femme entrepreneur qui parle. C’est plutôt la femme qui croit que le destin se force, et que l’empathie vaut des millions.

Née ou grandie lobbyiste ?

Prisca dans sa boutique
d'habillement
Sinon, comment, si jeune, son nom est retrouvé dans des documents, plans et archives,  à la fois des ONG -mettant en avant les droits des enfants et de la femme- ? Oui, dans ceux de la police des mineurs –par exemple-, voire du Parlement Burundais. « A mon âge, avec mon niveau d’instruction et expériences personnelles,  c’est plus qu’une obligation sociale de savoir, avec intérêt, ce que mon pays traverse. Nous devons apprendre à être responsable, chacun à son niveau voire prouver que l’on est capable de ce qu’on ne fait que nous prêter comme capacité ».

Cadette dans sa famille, elle n’a qu’une sœur. Et ce n’est pas pour avoir grandi après six garçons qu’elle ne peut pas orienter, et d’une façon indépendante, sa vie : « Au contraire, ce que les autres, et dans une société telle la notre, peuvent considérer comme une faiblesse,  devient une force. Tu te rends compte que le coaching maternel devient insuffisant. L’envie est d’aller plus loin. D’être persévérante ».  Ainsi, après sa licence en psychologie de l’éducation à l’Université Nationale, Prisca gardait sa soif. En 2008, elle rejoindra les auditoires de l’Université des Grands Lacs. Cette fois, elle se payait des études de psychologie clinique et sociale. On n’en connait pas plusieurs endurantes aux études comme elle, dans ce Burundi.

De la styliste à l’humanitaire

« C’est devenu une de mes hobbies. J’ai toujours accompagné des jeunes mariées de mon âge. Elles me faisaient, et me font toujours confiance : mes copines me donnent le peu d’argent qu’elles ont, et je les habille,  classe ! », Prisca se réjouit avec fierté de la première mariée qu’elle habilla en 2002.  Ici, il faut noter l’importance d’une telle confiance : « la dot est surement une des meilleurs événements dans la vie d’une femme Burundaise », témoigne-t-elle. Que lui préfèrent-t-elles ? « Pas un seul tailleur ou couturier, même ceux de l’ ‘Avenue de la Mission’ ne m’a imposé un style. Et, ils me connaissent tous », vente-elle ses forces d’innovation. L’Avenue de la Mission aura été une référence, et pendant longtemps, dans le métier du travail du tissu.

Show Kapris Fashion
Pour Prisca, la dignité commence, et par soi-même, et par l’honneur : « C’est moi-même qui me suis habillée à l’occasion de ma dot en 2009 », défend-elle. Une fois encore, c’est la fête qu’une fille Burundaise n’a pas envie de rater.
Pour elle, il faut, comme on le dit dans sa culture « kwambika agashambara abagakuwe » qui signifierait, « rhabiller les déshabillées. Et il est difficile d’y penser quand on n’en a pas la passion et l’empathie».





« Habiller des déshabillées »

Prisca, assistante psychosociale, elle aura tout vu. Enfin presque. Pensons par exemple que votre fille de 6 ans est faite baby-sitter, avec tout ce qui peut l’attendre comme menace sexuelle.
Prisca, devenue une des rares spécialistes du trafic humain, elle en a des tas d’exemples. Pour elle, « Proxénétisme, l’exploitation sexuelle, etc. », ce sont, lance-elle furieuse,   « des mots qui paraissent de l’exagération quand on ignore tout d’un tel pays où on viole une fillette de moins de 10 ans de la même manière qu’une sexagénaire voire plus », témoigne la psychosociologue, de celles que l’on qualifie de « assistante psychosociale ». 

Pensons encore, avec dégoût bien sur, à une gamine dont « la patronne cède a un jeune domestique ou autre employé mâle ». Bien entendu, si la justice agit, soit les deux –auteurs du genre d’esclavage moderne, ou le briguant- soit ils sont emprisonnés, soit ils s’exilent.

Des autres cas exposés à Prisca, c’est surtout des cas d’inceste, et surtout dans la capitale Bujumbura. C’est-à-dire un père ou un oncle qui abuse de sa fille ou sa nièce. Le Burundi fait aussi face au crime de transferts de jeunes filles surtout vers des pays arabes pour des raisons de trafic humain.  C’est en sauvant ce genre de cas que Prisca pratiquait ce qu’elle a appris, professionnellement. « Je bénéficiais de l’apport du ‘Centre Seruka qui assurait les soins médicaux et l’hébergement aux victimes retrouvées. Ainsi j’ai initié une logique de réintégration socio-économique ». 

Elle y est, elle y reste. « J’ai créé un atelier de couture personnel, et qui, de ces jeunes femmes le souhaitent, viennent apprendre le métier de couturier. Nous choisissons l’innovation. C’est-à-dire qu’on travaille à la main. Fabriquer des accessoires de la mode, ce n’est pas donné à tout le monde ». Ainsi, la marque « Kapris Fashion, made in Burundi » se vend si bien au Burundi qu’à l’extérieur du pays.


Absolument, Prisca Niyonzima, « l’éternel styliste » et membre active d’AFAB, bénéficie d’une tribune et d’une opportunité socio-économique et professionnelle. Mais encore, après  cinq ans de lutte contre le trafic humain, Prisca est à jamais convaincue que la loi contre le trafic humain -promulguée en Août 2014, et après toute une année de débats houleux auxquels a participé activement l’experte Prisca-, contribuera à protéger l’humain, surtout la femme, et à lui rendre la dignité méritée. 

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