Thursday, October 30, 2014

Compaore n'a pas détruit que Sankara

Une Révolution Iceberg : Cinq ans après, je n’en croyais pas encore mes petites leçons apprises du « Pays des Hommes Intègres ». En effet, je répondrais positif a la question de François Bugingo, pas pour les Québécois que je ne connais pas encore –beaucoup-, mais pour les Burkinabès qui m’hébergèrent pendant quelques jours, en 2009. Je sais qu’on ne découvre pas une société en quelques jours, mais il y a des signes qui ne trompent pas. Et puis, ça dépend de l’œil de l’observateur. D’ailleurs même les nôtres, on ne les « connait » que très passagèrement.
Source RFI
Oui, j’ai sifflé plusieurs motards et motardes –comme on fait chez nous-, avant que je ne sois ridicule ou considéré en fou propre, et qu’il me soit révélé qu’ils ne sont pas taxis, ces motocyclettes. Pourtant, à la fin de mon séjour à Ouagadougou, je serai conduit en moto à l’aéroport, par un type très courtois à qui je payais.  Courtois, était-il, comme la plupart de ces hommes aux pantalons noircis au niveau des cuisses –ils essuient la sueur des mains, à cause de la chaleur- que j’ai découverts conduisant des Mercédès verts. La question est, pourquoi ces frustrés ne se sont pas enragés plutôt en période d’été ? Il fait plus chaud là-bas aussi, non ?

Compaore, homme de dialogue ? Je dis, mon œil ! Mathieu Mabin lui propose l’idée que ce soit « l’image que Compaore diffusait jusque-là, au monde extérieur ». Mabin, n’a-t-il pas raison ? Tenter de changer la constitution, pour s’éterniser au pouvoir, je n’y trouve aucun caractère d’homme de dialogue. En tout cas, pas dans la logique de partage, de tolérance ou de reconnaissance des forces d’autres que soi. Autre preuve ? Qui a assassiné « Mogho-Naba » dit Le Capitaine Africain ? J’irais plus loin : « Il a été trouvé brûlés dans une jeep land cruiser », me témoignait Abdoulaye Diallo, Directeur du Centre Norbert Zongo –alors-. Il me parlait de l’Africain, massacré –des années qui suivront- comme Chebeya ou Manirumva, pour ne citer que ceux-ci.

« Malheur à ceux qui bâillonnent le peuple », confirmait le Capitaine Sankara. En tout cas, il y a une fin à tout ! Le Lundi 11 Avril 2011, j’assistais en directe à la chute honteuse de l’Homme fort du Sud-ouest, Cote d’Ivoire. Jusque cette après midi-là, je me demandais qui aurait cru en cette « fin du monde » pour certains. Plus encore, je me rappelle d’un ami vivant à Dubaï qui me disait -2011- qu’il ne peut jamais arriver à Kadhafi  ce qui arriva à Ben Ali et à Moubarak.  Je rigolais, pas par enchantement de ce qui bouleverse l’Afrique –ce n’est pas fini-, mais par le fanatisme de ceux qui ignorent ou ferment les yeux face à 1) certains enjeux mondiaux, 2) l’ignorance du concept politico-économique et social dit « contagion ». Oui, ca fait pitié : rappelons-nous-en, jusqu’à la dernière minute, on dit à ces dictateurs que « la situation est maîtrisée ». C’est quoi cette drogue ? « Sait-on ou il est Compaore cette après midi ? », entendais-je Leurent questionner sa correspondante Treiner.

Compaore aura détruit, tout. L’erreur de tous ? On se fait tromper sur les réalités, jusqu’au jour ou trop devient trop. Recours ? Tentative de l’armée ou de la
Source FB
police de contrôler les choses, or ils ne sont jamais éduqués à la négociation. Du coup, les gaz lacrymogènes se font accompagner de balles réelles. Cela veut-dire, tuer ! Et puis alors, « L’arrogance » ou l’ignorance des Chefs ! Au Burkina, j’habitais à Gouguin, au tournant de la Cathédrale St Pierre. Ce n’est pas à moins de deux heures de marche, de la ville. Souvent, j’y allais à pieds –comme les taxis finissaient tôt-, et quand je me perdais, il y avait toujours des gens devant chez eux à qui je pouvais m’adresser. Et, quelque soit l’heure, on m’avait dit qu’ « au Pays des Hommes Intègres », les gens étaient ainsi accueillants, surtout quand il est question d’étranger. En 2012, je me retrouvais face aux valeurs pareilles, lors d’un entrevue avec l’actrice Aminata Diallo Diaz, dite Kadi Joly. On m’avait dit que très rarement on se faisait attaquer par des bandits, dans ce pays.
Et maintenant alors ? Qui va arrêter la rage de ces gens enragés, appauvris, qui détruisent et pillent. En tout cas ça prendra du temps. Oh, économie ? Je serais étonné que le siège de l’UEMOA reste ouvert.

Il ne fallait pas : Il y a exactement trois mois avant cette marche sur Ouaga et Bobo, un ami me parlait, vers Shady Grove, de Ismail Sankara et de l’engagement de ce dernier  pour que Vérité éclate. Il ne fallait pas tuer lâchement Sankara. Un autre jour, alors que nous nous plaisions à discuter culture et politique dans un bar de Ouaga, un de ces enfants de colonisés français vint demander de quels pays nous étions. « Ici, on ne parle pas politique », nous lançait-il en rigolant. Il ne fallait pas corrompre et taire tout un peuple, en les distrayant avec les jeux, malgré leur appauvrissement.
Source RFI
Arrogance, disais-je. Compaore, se sentait-il obligé de répondre à  Obama «  L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes » ? Plutôt, je trouve qu’il a empiré sa faiblesse en n’y entrevoyant pas la dualité du genre « Autoritarisme et Démocratie ». Il ne fallait pas que ce soit lui qui « pécha en paroles ».
Et la suite de tout ça ? Surement que bientôt, les lumières allumées –symbole de la recherche de la Vérité - depuis l’assassinat de Zongo -1998-, s’éteindront. Et celles non visibles, allumées depuis 1987 –assassinat de Sankara et de ses 12 disciples- alors ?-

Détrompons-nous. Ni les 27 ans au pouvoir, ni -un peu plus- la manipulation de la constitution ne me semblent pas être le problème. Le problème semble : qu’est ce qui a nourri ces frustrations exposées en pleine rue et de la manière, et comment le calme sera-t-il restauré ? 

The Machado

Sunday, October 5, 2014

Burundi, Ils ont marche sur les arbres!

Même qui n’était pas là aura entendu du « bluff d’un 1er Juillet des années 1980 ». Oui, c’était au Burundi, sous le leadership de Bagaza, J.B. C’était une question de créativité politico-militaire, de fierté nationale, de marketing national, de jeux –de chiffres-, de diplomatie, etc. Mais encore et surtout, d’endurance. Bref, le Proviseur Mobutu –et les multiples hôtes de la fête nationale burundaise-, voyant défiler les guerriers du « Souverain » Bagaza ; associant les quelques centaines et respectueuses troupes aux quelques machines protectrices de la sobre et humble Nation, la diversité de couleurs et d’autres trucs initiés pour l’occasion, Mobutu fit un recule dans sa décision d’attaquer le Burundi.   Tellement, ce fut une stratégie hautement pensée et organisée  et qui, par conséquent, suscita de la peur, mais surtout, du respect, dans tous les sens du concept.


Je ne développe pas le « imaginez-vous », puisque ce fut ainsi, une trentaine d’années après, et dans un autre cadre mais national et internationalisé. Un concert, deux soirées successives. « Deux », parce que tout le publique n’eut pas la chance d’entrer dans la salle de spectacle : archicomble, le Vendredi   26 Septembre. « Deux » parce que « un » concert des « Intatana » n’est jamais suffisant. Deux parce que c’est des habitudes dudit club socioculturel.
Par contre, pour qui n’eut pas la chance d’être à Bujumbura et au concert du weekend de fin Septembre, j’utiliserai le « imaginez-vous ».

Du nouveau. Imaginez-vous ces solides fistons du pays, mixer le tambour sacré, flute, « amazina ». Vers la fin, s’y ajoutait la basse de la guitare –le solo viendra après- et d’autres instruments de la musique et de la danse traditionnels et modernes. D’habitude, ça ne se marie pas. Par ailleurs, dans le respect des règles culturelles, ce ne fut qu’une des scènes de la fin de la séance introductive, dominée par le tambour Burundais. C’était clair, la soirée allait être chaude. Non, ça l’était déjà, dès le premier son produit par le tambour leader : normal, plusieurs ont la chaire de poule. Et puis, ces moments rares - dans un Burundi souffrant des séquelles des massacres et autres inhumanités-,  signifiaient aussi le « oublions les malheurs ce soir, et vivons », de Pascal, un des leaders du club « Intatana ».


Imaginez-vous ce mixage de la tradition et de la modernité, jusqu’aux couleurs de la soirée. Nostalgie des valeurs et héritages de l’époque royale. Imaginons ce qui se passait à  la Court Royale. Voyez les multiples instruments de la musique traditionnelle Rundi/Rwandais, instruments de la cuisine de chez nous, arborant -et aux couleurs nationales- les murs du devant de la scène. En fait, dans sa riche diversité, le ce club « Intatana » s’est transformé en toute une entreprise. Ils ne font plus que danser et chanter. Ils se spécialisent comme véhicules et modernisateurs de la culture et la beauté du Burundi : quand Christine –une des leaders du club- vous décore le lieu de fête traditionnelle, c’est à couper le souffre.

Innovation, notais-je. Un événement prophétique. Imaginez-vous ces donzelles qui entrèrent sur scène au saut de la corde. Pourtant, c’était une danse traditionnelle. Quoi d’autres, avez-vous loupé ? Des jeunes citadins, pour une grande part, des sportifs aux boucles d’oreille, je veux dire certains de ces vaillants garçons. En outre, qui a choisi la coiffure –unique- pour ces filles ? Particulièrement, imaginez-vous ce club pour qui, le temps est à la fois sacré et insignifiant –surtout lors de la présentation-. Demandons-nous par exemple, le temps qu’ils prennent pour apprendre toutes les danses nationales. Et si chaque danse -scène- s’accompagne d’une couleur authentique, imaginons-nous le rythme derrière la scène quand il faut changer de mascarade pour la danse suivante. Eclair ! Pourtant, on ne trouve pas d’erreur de frappe, une fois qu’ils/elles sont sur scène. Et puis, au style du concert de Sardou ou autres professionnelles de la scène,  ce club est le seul, ou du moins le premier à ne pas perdre ou faire perdre le temps, entre actes : les blabla sont remplacés par l’enchaînement direct. En d’autres mots, ils/elles ne partent jamais. Ils/elles se croisent, sortant et entrant sur scène. La question : savent-ils gigoter et tous, tous les pas des diverses danses ? On irait directement, « oui ». En tout cas, c’est le constat. Bien entendu, si tu observes bien, tu trouves des spécialisations. 

Et puis, « innovation » et « endurance », disais-je. Comme Jésus marchant sur les eaux, ces gars marchaient sur « les arbres ». Enfin, certains suspendus plus haut que d’autres sur des longs bâtons aux couleurs nationales, et avancer au rythme du son de la musique et de la danse. Et puis, ce n’est pas que de la danse et des chants : ce sont des sujets bien précis de société, traités culturellement. On se moque des faits sociétaux déplacés, comme on loue les valeurs  du cartel. Enfin, on étale des erreurs ou défis de la société : « Ibi bintu birazimvye bagabo. Ibi bintu biragumye. Muraduza gasekebuye mwibuka ko igihugu gikeneye inyubakwa ikwiye y’ibirori n’ibikorwa nk’ibi » (Cher public, ce genre d’activités est exigeant et cher. Quand le pays construit de ces belles maisons, pensons aussi à un centre assez vaste et propre aux événements comme ce spectacle). Ce qui est dit est dit ! Bizarre mais vrai, on ne voyait pas d’autorités étatiques à ce concert. Pourtant, il existe même un ministère chargé de la culture.

Un concert d’hommage : Oui, la danse et la musique est probablement la meilleure industrie culturelle et demandant le don de soi et l’esprit du groupe. Il se fait que trois membres du club
sont décédés récemment, et ce fut le moment de se rappeler de ce que les disparus apportaient à l’équipe. Quelle reconnaissance ! Ce club,  connu dans l’ensemble de l’EAC, en Afrique de l’Ouest  jusqu’en Chine rendait hommage à  des collègues à eux, « The Lion Story ». C’est une autre notoriété qui s’impose, quand au rythme du « Ras-Tafari », la société lui lance « Respect ». D’ailleurs, il n’y a pas longtemps, les deux clubs avaient fait un concert, du jamais vu au Burundi. Terminons par où nous débutions : le bluff ! Ils sont combien ? Numériquement, Claude-un jeune membre du club- me disait qu’ils sont autour de cent cinquante. Mais leurs spectacles valent des centaines, côté humain. Non, au fond, en plein spectacle, on ne sait jamais qui est « Intatana » et qui ne l’est pas.


The Machado

Aristide Muco (photos)