Tuesday, May 12, 2015

Crise au Burundi : Face Cachée du Sommet du 13 Mai

C’est vrai, le 13 Mai ne sera pas un vendredi, ce qui serait pire-dans les croyances superstitieuses des gens-. Mais il n’y aura eu qu’un seul Mercredi, 13 Mai, dans l’histoire déterminante du destin du Burundi. Ce ne sera sûrement pas une autre version de « Arusha », mais ça y ressemblera, au-moins pour deux faits : pour la première fois, on aura entendu la Cantique Nationale, le « Burundi Bwacu », chantée dans plusieurs rues de Bujumbura, de « Bujumbura rural », de Nairobi, d’Australie, de Suède, de la Belgique, de France, de Londres, des USA, du Canada, etc. Dans les rues ! L’histoire reconnaîtra que c’était, pour la première fois, au terme des 10 ans d’un mandat d’un Chef d’Etat élu. Pour la première fois, on aura eu tant de proses, d’images, de balais diplomatiques, etc., au/sur le Burundi. Normal, c’est au 21e siècle.  « Comment en est-on arrivé là ? », posait une burundaise, sur son compte twitter.

Audace Machado


Un Bilan défaitiste, déjà.   

Très apeurée et confuse, pouvions-nous interpréter la question de la burundaise. Celle qui ne s’exprime que très rarement à travers les réseaux sociaux, de sa question, on comprendra aussi que, comme elle était très loin de ses enfants –en voyage aux USA-, elle ignorait ce qui guettait sa progéniture, ses amis, ses voisins, ses collègues, etc., bref, ce qui enflammait et endeuillait la capitale de sa patrie. « Quinze vies humaines ont déjà péris, des centaines de blessés, quatre véhicules brulés (…) », c’est le bilan qu’on pouvait entendre, notamment, des bouches de deux hauts officiers, Généraux : Le Ministre de la Défense Nationale et des Anciens Combattants –en langue nationale- et du Ministre de la Sécurité Publique –en français-.            


Les opinions bondissent de partout, disant que le Général de l’armée a été piégé.  « Comment a-t-il pu presque contredire ce qu’il avait annoncé, une semaine avant ». C’était au samedi, 13e journée de manifestations ayant paralysé la capitale Bujumbura, voire le pays entier. De fait, si les deux hauts martiaux rassemblaient les médias locaux et internationaux, c’était au nom du Conseil National de la Sécurité. Où est passé le Général Bunyoni, nommé Secrétaire Exécutif dudit conseil ?

Manifestante in "Hands Up"
Oui, l’histoire du monde se rappellera aussi des quelques étrangers, et de loin, méconnaissant les enjeux et la réalité sur place,  séduisant des médias en rechutant des « Le pays va très bien, à part quelques coins de la capitale Bujumbura ». On ignorera que, dans ce petit pays des Grands Lacs, Bujumbura est la « Capitale Nationale », dans tous les sens et implications du concept. Dimanche, 10 Mai, pour la première fois, on verra les femmes Burundaises envahir paisiblement le centre-ville de cette capitale, scandant le « Nous voulons la paix », et « Non au 3e mandat de Nkurunziza ».

On ne bouffe plus/ ou jamais du clergé

Bujumbura, le Dimanche 03 Mai, soit au huitième jour de « l’insurrection » -des mots de M. Dieudonné Ndabarushimana, Ambassadeur du Burundi en France- ou du soulèvement populaire, on apprendra partout que, un prêtre daigna demander à des militaires armés de kalachnikov –gardes du corps d’un officiel du parti CNDD-FDD au pouvoir- de quitter l’assemblée, lieu de la messe. Waouh ! Comment dans « un pays de paix, un paradis », pour reprendre les dires de l’Ambassadeur à Paris, prie-t-on dans ces conditions ? « Madame quand vous marchez et vous fracassez les têtes des policiers, …, vous croyez que la police Burundaise est une police sauvage tellement qu’elle peut tirer sans provocation ? ».

Ce qui est sure, il faudra collecter et renforcer les preuves.

Ce qui étonne plusieurs, sauf une séculaire Canadienne qui clame connaitre le Burundi, c’est pourquoi Kamenge n’est pas ‘dans la danse’, en ces moments. Un collègue rencontra à l’aéroport de Bujumbura celle qui a connu le Burundi  depuis les années 1970. Avant leur vol, l’ancienne de lui révéler, « Kanyosha, Nyakabiga, Kinama, etc., tous ces coins ont connu la guerre. Ce n’est pas une question de niveau d’expérience pour le mal. C’est juste à cause, ou grâce au Général Adolphe ». Le collègue se tient bien pour écouter celle qu’elle préjugeait d’hérétique. « Tu sais, depuis longtemps, et c’est presque partout au monde, les hauts officiers des armés ne sont pas autorisés à vivre dans les banlieues. Ceci s’explique pour plusieurs raisons. Mais je comprends que,  depuis que le CNDD-FDD est au pouvoir, Kamenge n’abrite pas que ce genre de hauts gradées. De part votre métier, vous devriez avoir été, si pas aux deux bars de Nshimirimana, au moins à l’un d’eux ». 
Manifestants d'Ottawa / Canada

Quand le reporter souri,  la Canadienne de compléter « sinon, avouez que vous avez eu peur ». (Silence). Elle insiste, « Eh bien, oui, je comprends. Et figurez-vous que si la réponse a votre peur ou méfiance, c’est de ne pas vous y intéresser, eh bien, plusieurs des habitants de la commune eux réagissent en s’y rendant ». Le reporter aura ajouté à la Canadienne, que le Général y a même un hôpital. « La Dame rigola, sans plus  de commentaire que, au revoir jeune homme ».

Rappelons que, « De nos jours, au 21e siècle, les faits crient », comprendra-t-on le journaliste Muhozi,I., un jour ! Dans l’émission télévisée –Le Débat-, ce n’est pas la réponse de l’animatrice Burggraff qu’on aura, mais celle d’un opposant, Pancrace Cimpaye, insistant sur des « Crimes économiques, crimes de sang ». La situation a tellement dégénéré : la Présidence du Rwanda voisin abrite plus de 20 000 réfugiés Burundais. Le 8 Mai, la dite Présidence de la  Gouvernance de Kigali sortait, dans un twitter, « It is not just about 3rd term. It is about delivery ». L’Eglise Catholique, les Nations Unies, les USA, l’Union Européenne, etc., auront dit ce que le Président Zuma disait –la nuit du 8 Mai (SABC) - « Président Nkurunziza, vous ne devriez pas vous présenter aux élections de 2015, pour la paix de votre patrie ». 

La Procureur de la CPI, Bensouda, tenait à annoncer, en personne, l’envoi de ses enquêteurs, au pays. La Belgique, la Hollande et la Suisse seront les premiers à annoncer –lundi 11 Mai- la suspension de leur aide budgétaire pour les élections -"Une estimation de 80%", selon la CENI-et la police. A rappeler que la Belgique, ancienne métropole, est restée le parrain des projets du Burundi.

« Tappahannock » /"Rappahannock" ou pas, ils seront plusieurs, le 13 Mai.

La Capitale Bujumbura reste paralysée. Plutôt, c’est le pays qui est cerné. Comment en est-on arrivé là ? « Les manifestations éclatent au lendemain de la désignation du Président Nkurunziza comme candidat du parti CNDD-FDD », débutait le communiqué lu par les deux Généraux. Le Dimanche, 26 Avril, les radios indépendantes rapportent faits sur faits de cette manifestation. La tentative de les brouiller n’entrera en vigueur que le lundi 27 Avril, avec la fermeture de la RPA.

Les radios Isanganiro et Bonesha Fm ne seront jusque maintenant, que brouillées à l’intérieur du pays. Mais, on n’y échappe pas, la peur couvre le pays.  « On veut tuer des gens sans qu’on sache quoi que ce soit », rythme-t-on, dans les rues.  Les données de la police, des associations des droits humains concordent, affichant plus de 600 personnes déjà arrêtés. Par exemple, on ignore où se cachent les « frondeurs » -les anciens proches de la Présidence qui ont déclaré être contre la nouvelle candidature du Président Nkurunziza-.
Manifestante blessée et arrêtée a Buterere
crie "Je vais être achevée, A Dieu"
Au départ, on se rappellera des centaines de jeunes du parti dirigeant- « Imbonerakure »-, collectés de tout le pays pour défiler dans la capitale Bujumbura.  La « Coalition of the Will », -ceux de la mouvance présidentielle- elle, persiste et signe, « Nous devrions rester calme et attendre la sentence des urnes ». 

La suite parait visible : soit, le Président Nkurunziza répondra à l’invitation de ses pairs de l’EAC –acheminée- par trois Ministres des Affaires Etrangères. Et là, « Comme la plupart des fois, la diplomatie ne résoudra rien» -selon un journaliste dans l’émission « Afrique Presse »-.  Ceci sera étonnant, vues les positions claires prises par les Présidences des pays de ladite communauté. Et dans ce cas, on aura, à moitié, répondu à la question du CSNU « Que connaissions-nous ».

Soit, le candidat Nkurunziza évitera de se rendre à Dar-es-Salaam, et dans ce cas, comme il ne faut même pas en douter, la voix de ses opposants – qui devraient s’y rendre aussi- ne fera pas qu’assourdir.  

Saturday, May 2, 2015

Burundi, Une Styliste Humanitaire

Pourtant, elle ne se rappelle avoir  été ni humiliée  ni kidnappée! Prisca, la Burundaise  n’a jamais rencontré ni Dominique Torres, ni un membre de SOS-Racisme pour devenir une des expertes  de la lutte stratégique de l’esclavage moderne. Quand elle a débuté son projet, rêve à cette époque, elle ne savait pas que Ban Ki Moon universaliserait en 2015, «Dignité Humaine », comme nouveau mot d’ordre de la justice sociale mondiale.  Par contre, la modestie du parcours socioprofessionnel et  les stratégies de la Burundaise Prisca Niyonzima, cachent une force d’actions discrètes qui protègent et relèvent de probables victimes, de diverses violences,  dont un esclavage qui ne dit pas son nom, autant au Burundi qu’ailleurs dans le monde.

Audace Machado

Des stratégies exigeant des forces de la communication.

Tout semble tirer origine au destin de Madame Prisca. Ainsi, ses goûts de l’apparence et du soin du corps humain la mèneront à l’AFAB –Association de femmes entrepreneurs du Burundi- depuis le 8 Mars 2013. Ainsi, elle ne peut plus rester discrète. « Absolument ! Je connais les réalités de mon pays, aussi bien qu’une grande partie de celles du monde, à commencer par notre sous-région. La femme est une force inventive et influente qu’on ne l’imagine ». La pèlerine  est fière d’avoir parcouru, dans le cadre professionnel ou de curiosité personnelle, tout son pays, le Burundi.  « Autant on apprend beaucoup de chose dans ce petit pays que quand on sillonne le Rwanda, la RDC, l’Ouganda, le Kenya », ajoute Prisca Niyonzima. C’est comme cela que cette jeune femme a enrichi aussi bien son carnet d’adresse que son capital culturel en ouvrant son passeport à  des tampons nationaux, de l’Afrique du Sud aux Etats-Unis d’Amérique, en passant par l’Arabie Saoudite –Qatar-. 

« Partout, dans ce monde où l’économie décide, donc où les hommes dominent –silence-, soyons réalistes, les femmes devrons apprendre aussi de celles qui réussissent, de nos forces particulières, et surtout de renforcer notre open-mindness ». Ici, c’est au delà, de la psychologue et de la femme entrepreneur qui parle. C’est plutôt la femme qui croit que le destin se force, et que l’empathie vaut des millions.

Née ou grandie lobbyiste ?

Prisca dans sa boutique
d'habillement
Sinon, comment, si jeune, son nom est retrouvé dans des documents, plans et archives,  à la fois des ONG -mettant en avant les droits des enfants et de la femme- ? Oui, dans ceux de la police des mineurs –par exemple-, voire du Parlement Burundais. « A mon âge, avec mon niveau d’instruction et expériences personnelles,  c’est plus qu’une obligation sociale de savoir, avec intérêt, ce que mon pays traverse. Nous devons apprendre à être responsable, chacun à son niveau voire prouver que l’on est capable de ce qu’on ne fait que nous prêter comme capacité ».

Cadette dans sa famille, elle n’a qu’une sœur. Et ce n’est pas pour avoir grandi après six garçons qu’elle ne peut pas orienter, et d’une façon indépendante, sa vie : « Au contraire, ce que les autres, et dans une société telle la notre, peuvent considérer comme une faiblesse,  devient une force. Tu te rends compte que le coaching maternel devient insuffisant. L’envie est d’aller plus loin. D’être persévérante ».  Ainsi, après sa licence en psychologie de l’éducation à l’Université Nationale, Prisca gardait sa soif. En 2008, elle rejoindra les auditoires de l’Université des Grands Lacs. Cette fois, elle se payait des études de psychologie clinique et sociale. On n’en connait pas plusieurs endurantes aux études comme elle, dans ce Burundi.

De la styliste à l’humanitaire

« C’est devenu une de mes hobbies. J’ai toujours accompagné des jeunes mariées de mon âge. Elles me faisaient, et me font toujours confiance : mes copines me donnent le peu d’argent qu’elles ont, et je les habille,  classe ! », Prisca se réjouit avec fierté de la première mariée qu’elle habilla en 2002.  Ici, il faut noter l’importance d’une telle confiance : « la dot est surement une des meilleurs événements dans la vie d’une femme Burundaise », témoigne-t-elle. Que lui préfèrent-t-elles ? « Pas un seul tailleur ou couturier, même ceux de l’ ‘Avenue de la Mission’ ne m’a imposé un style. Et, ils me connaissent tous », vente-elle ses forces d’innovation. L’Avenue de la Mission aura été une référence, et pendant longtemps, dans le métier du travail du tissu.

Show Kapris Fashion
Pour Prisca, la dignité commence, et par soi-même, et par l’honneur : « C’est moi-même qui me suis habillée à l’occasion de ma dot en 2009 », défend-elle. Une fois encore, c’est la fête qu’une fille Burundaise n’a pas envie de rater.
Pour elle, il faut, comme on le dit dans sa culture « kwambika agashambara abagakuwe » qui signifierait, « rhabiller les déshabillées. Et il est difficile d’y penser quand on n’en a pas la passion et l’empathie».





« Habiller des déshabillées »

Prisca, assistante psychosociale, elle aura tout vu. Enfin presque. Pensons par exemple que votre fille de 6 ans est faite baby-sitter, avec tout ce qui peut l’attendre comme menace sexuelle.
Prisca, devenue une des rares spécialistes du trafic humain, elle en a des tas d’exemples. Pour elle, « Proxénétisme, l’exploitation sexuelle, etc. », ce sont, lance-elle furieuse,   « des mots qui paraissent de l’exagération quand on ignore tout d’un tel pays où on viole une fillette de moins de 10 ans de la même manière qu’une sexagénaire voire plus », témoigne la psychosociologue, de celles que l’on qualifie de « assistante psychosociale ». 

Pensons encore, avec dégoût bien sur, à une gamine dont « la patronne cède a un jeune domestique ou autre employé mâle ». Bien entendu, si la justice agit, soit les deux –auteurs du genre d’esclavage moderne, ou le briguant- soit ils sont emprisonnés, soit ils s’exilent.

Des autres cas exposés à Prisca, c’est surtout des cas d’inceste, et surtout dans la capitale Bujumbura. C’est-à-dire un père ou un oncle qui abuse de sa fille ou sa nièce. Le Burundi fait aussi face au crime de transferts de jeunes filles surtout vers des pays arabes pour des raisons de trafic humain.  C’est en sauvant ce genre de cas que Prisca pratiquait ce qu’elle a appris, professionnellement. « Je bénéficiais de l’apport du ‘Centre Seruka qui assurait les soins médicaux et l’hébergement aux victimes retrouvées. Ainsi j’ai initié une logique de réintégration socio-économique ». 

Elle y est, elle y reste. « J’ai créé un atelier de couture personnel, et qui, de ces jeunes femmes le souhaitent, viennent apprendre le métier de couturier. Nous choisissons l’innovation. C’est-à-dire qu’on travaille à la main. Fabriquer des accessoires de la mode, ce n’est pas donné à tout le monde ». Ainsi, la marque « Kapris Fashion, made in Burundi » se vend si bien au Burundi qu’à l’extérieur du pays.


Absolument, Prisca Niyonzima, « l’éternel styliste » et membre active d’AFAB, bénéficie d’une tribune et d’une opportunité socio-économique et professionnelle. Mais encore, après  cinq ans de lutte contre le trafic humain, Prisca est à jamais convaincue que la loi contre le trafic humain -promulguée en Août 2014, et après toute une année de débats houleux auxquels a participé activement l’experte Prisca-, contribuera à protéger l’humain, surtout la femme, et à lui rendre la dignité méritée.