Pourtant, elle ne se rappelle avoir été ni humiliée ni kidnappée! Prisca, la Burundaise n’a jamais rencontré ni Dominique Torres, ni un
membre de SOS-Racisme
pour devenir une des expertes de la
lutte stratégique de l’esclavage moderne. Quand elle a débuté son projet, rêve à
cette époque, elle ne savait pas que Ban Ki Moon universaliserait en 2015, «Dignité Humaine »,
comme nouveau mot d’ordre de la justice sociale mondiale. Par contre, la
modestie du parcours socioprofessionnel et les stratégies de la Burundaise Prisca
Niyonzima, cachent une force d’actions discrètes qui protègent et relèvent de
probables victimes, de diverses violences,
dont un esclavage qui ne dit pas son nom, autant au Burundi qu’ailleurs dans le monde.
Audace Machado
Des stratégies exigeant
des forces de la communication.
Tout semble tirer origine au destin de Madame Prisca. Ainsi,
ses goûts de l’apparence et du soin du corps humain la mèneront à l’AFAB
–Association de femmes entrepreneurs du Burundi- depuis le 8 Mars 2013. Ainsi, elle ne peut plus
rester discrète. « Absolument !
Je connais les réalités de mon pays, aussi bien qu’une grande partie de celles
du monde, à commencer par notre sous-région. La femme est une force inventive
et influente qu’on ne l’imagine ». La pèlerine est fière d’avoir parcouru, dans le cadre
professionnel ou de curiosité personnelle, tout son pays, le Burundi. « Autant
on apprend beaucoup de chose dans ce petit pays que quand on sillonne le
Rwanda, la RDC, l’Ouganda, le Kenya », ajoute Prisca Niyonzima. C’est
comme cela que cette jeune femme a enrichi aussi bien son carnet d’adresse que
son capital culturel en ouvrant son passeport à des tampons nationaux, de l’Afrique du Sud aux
Etats-Unis d’Amérique, en passant par l’Arabie Saoudite –Qatar-.
« Partout, dans ce monde où l’économie décide,
donc où les hommes dominent –silence-, soyons
réalistes, les femmes devrons apprendre aussi de celles qui réussissent, de nos
forces particulières, et surtout de renforcer notre open-mindness ». Ici,
c’est au delà, de la psychologue et
de la femme entrepreneur qui parle. C’est plutôt la femme qui croit que
le destin se force, et que l’empathie vaut des millions.
Née ou grandie
lobbyiste ?
Prisca dans sa boutique d'habillement |
Sinon, comment, si jeune, son nom est retrouvé dans des
documents, plans et archives, à la fois
des ONG -mettant en avant les droits des enfants et de la femme- ? Oui,
dans ceux de la police des mineurs –par exemple-, voire du Parlement Burundais.
« A mon âge, avec mon niveau
d’instruction et expériences personnelles, c’est plus qu’une obligation sociale de
savoir, avec intérêt, ce que mon pays traverse. Nous devons apprendre à être
responsable, chacun à son niveau voire prouver que l’on est capable de ce qu’on
ne fait que nous prêter comme capacité ».
Cadette dans sa famille, elle n’a qu’une sœur. Et ce n’est
pas pour avoir grandi après six garçons qu’elle ne peut pas orienter, et d’une
façon indépendante, sa vie : « Au
contraire, ce que les autres, et dans une société telle la notre, peuvent
considérer comme une faiblesse, devient une force. Tu te rends compte que
le coaching maternel devient insuffisant. L’envie est d’aller plus loin. D’être
persévérante ». Ainsi, après sa
licence en psychologie de l’éducation à l’Université Nationale, Prisca gardait
sa soif. En 2008, elle rejoindra les auditoires de l’Université des Grands
Lacs. Cette fois, elle se payait des études de psychologie clinique et sociale. On n’en
connait pas plusieurs endurantes aux études comme elle, dans ce Burundi.
De la styliste à l’humanitaire
« C’est devenu une
de mes hobbies. J’ai toujours accompagné des jeunes mariées de mon âge. Elles
me faisaient, et me font toujours confiance : mes copines me donnent le
peu d’argent qu’elles ont, et je les habille, classe ! », Prisca se réjouit
avec fierté de la première mariée qu’elle habilla en 2002. Ici, il faut
noter l’importance d’une telle confiance : « la dot est surement une des meilleurs événements dans la vie d’une
femme Burundaise », témoigne-t-elle. Que lui préfèrent-t-elles ?
« Pas un seul tailleur ou couturier,
même ceux de l’ ‘Avenue de la Mission’ ne m’a imposé un style. Et, ils me
connaissent tous », vente-elle ses forces d’innovation. L’Avenue de la
Mission aura été une référence, et pendant longtemps, dans le métier du travail
du tissu.
Show Kapris Fashion |
Pour Prisca, la dignité
commence, et par soi-même, et par l’honneur : « C’est moi-même qui me suis habillée à l’occasion
de ma dot en 2009 », défend-elle. Une fois
encore, c’est la fête qu’une fille Burundaise n’a pas envie de rater.
Pour elle, il faut, comme on
le dit dans sa culture « kwambika
agashambara abagakuwe » qui signifierait, « rhabiller les déshabillées. Et il est difficile d’y penser quand on
n’en a pas la passion et l’empathie».
« Habiller des déshabillées »
Prisca, assistante
psychosociale, elle aura tout vu. Enfin presque. Pensons par exemple que votre
fille de 6 ans est faite baby-sitter, avec tout ce qui peut l’attendre comme
menace sexuelle.
Prisca, devenue une des rares spécialistes du trafic humain,
elle en a des tas d’exemples. Pour elle, « Proxénétisme, l’exploitation sexuelle, etc. », ce sont,
lance-elle furieuse, « des
mots qui paraissent de l’exagération quand on ignore tout d’un tel pays où
on viole une fillette de moins
de 10 ans de la même manière qu’une sexagénaire voire plus », témoigne la psychosociologue, de
celles que l’on qualifie de « assistante psychosociale ».
Pensons encore, avec dégoût
bien sur, à une gamine dont « la
patronne cède a un jeune domestique ou autre employé mâle ». Bien
entendu, si la justice agit, soit les deux –auteurs du genre d’esclavage
moderne, ou le briguant- soit ils sont emprisonnés, soit ils s’exilent.
Des autres cas exposés à
Prisca, c’est surtout des cas d’inceste, et surtout dans la capitale Bujumbura.
C’est-à-dire un père ou un oncle qui abuse de sa fille ou sa nièce. Le Burundi fait aussi face au crime
de transferts de jeunes filles surtout vers des pays arabes pour des raisons de
trafic humain. C’est en sauvant ce genre
de cas que Prisca pratiquait ce qu’elle a appris, professionnellement. « Je bénéficiais de l’apport du ‘Centre Seruka’
qui assurait les soins médicaux et l’hébergement aux victimes retrouvées. Ainsi
j’ai initié une logique de réintégration socio-économique ».
Elle y
est, elle y reste. « J’ai créé un
atelier de couture personnel, et qui, de ces jeunes femmes le souhaitent,
viennent apprendre le métier de
couturier. Nous choisissons l’innovation. C’est-à-dire qu’on travaille à la
main. Fabriquer des accessoires de la mode, ce n’est pas donné à tout le monde ». Ainsi, la marque « Kapris Fashion, made in Burundi » se vend si bien au Burundi qu’à l’extérieur du
pays.
Absolument, Prisca
Niyonzima, « l’éternel styliste » et membre active d’AFAB, bénéficie
d’une tribune et d’une opportunité socio-économique et professionnelle. Mais
encore, après cinq ans de lutte contre
le trafic humain, Prisca est à jamais convaincue que la loi contre le trafic
humain -promulguée en Août 2014, et après toute une année de débats houleux
auxquels a participé activement l’experte Prisca-, contribuera à protéger
l’humain, surtout la femme, et à lui rendre la dignité méritée.
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